26 jan 2014 | |
DIMANCHE DE JANVIER |
Oui, donc, petite pause. Parlons brièvement de musique, je veux dire celle des autres. Je n'ai pas encore acheté le troisième disque d'Alexandre Belliard, Légendes d'un peuple, j'ai les deux premiers que j'apprécie énormément ; il était grand temps que quelqu'un chante l'Amérique française, j'ai bien hâte d'entendre son dernier opus.
Beaucoup aimé le dernier CD d'Yves Desrosiers, ce musicien m'épate et m'impressionne. Mais, je ne le cacherai pas, le chanteur que j'admire le plus depuis le début des années 1990 est Michel Faubert. Je ne me souviens plus quand il a sorti La fin du monde (5 ans ?), mais je suis encore soufflé par l'originalité et la profondeur de ce disque. Faubert a ce rare don d'avoir un pied dans la mémoire et l'autre dans le monde contemporain. Si on va au fond des choses, ce qui signifie regarder le monde, la vie, soi-même avec courage et lucidité, on comprend que le temps qu'on a tendance à percevoir comme quelque chose de linéaire, ce qui sous-entend qu'un certain passé s'éloigne de nous, est une fausse perception, au mieux une perception très partielle.
La mémoire est un miroir, voilà comment je vois les choses. La fin du monde va dans plusieurs directions, il y a du très contemporain et du folklore (dans son sens premier : savoir du peuple) mais le tout est lié par cette présence de l'âme profonde qui n'a que faire du temps linéaire. Les thèmes de la tradition touchent par exemple la mort, la douleur de vieillir, la difficulté d'aimer, notre rapport à l'au-delà quel que soit notre opinion sur le sujet, et j'en passe. La mémoire est intemporelle, elle est le dépôt de l'expérience des êtres mortels que nous sommes - et c'est pour ça que nous la fuyons si souvent, elle est quasiment synonyme de boîte de Pandore. Pas étonnant que le nouveau disque de Michel Faubert s'intitule Mémoire Maudite ; n'a-t-il pas déjà fait paraître il y a 20 ans Maudite mémoire ? Oui mais... on n'a pas compris (moi le premier) le sens de cette expression. Un jour Michel m'a répété ce qu'il avait dit à une radio anglophone : cursed memory. Comme si un mauvais sort avait été jeté sur notre propre trésor, notre propre richesse.
Le sens très personnel que je donne au titre du livre de Gaston Miron, L'homme rapaillé, est celui-ci : l'homme, la femme, l'être qui a rapaillé, c'est-à-dire qui a recouvré, récupéré, rapatrié tout ce qui constitue son être, son âme. Cela rejoint tout à fait la notion chamanique de recouvrement de l'âme. Dans l'acte de recouvrement de l'âme le chamane part à la recherche d'un fragment de l'âme du consultant dont l'âme ou/et le corps sont malades, malades car pas entiers, affaiblis par une perte d'essence. S'il y a perte d'essence c'est que la partie manquante de l'âme est restée "là-bas", c'est-à-dire prisonnière de l'expérience douloureuse qu'elle a vécue. L'expérience fut si douloureuse qu'il fallut qu'on abandonne carrément la partie de nous-mêmes qui souffrait. La recouvrer passe obligatoirement par un retour à l'expérience douloureuse mais avec une conscience plus grande, une force que nous n'avions pas alors.
N'est-ce pas le travail qu'entreprennent des artistes comme Faubert et Belliard ? Un travail essentiel. Nous ne pouvons dépasser ce que nous n'avons pas assumer. C'est en bonne partie illusoire que de se croire moderne, donc aussi cool que les autres, quand on n'a pas encore assumé, par conséquent rapaillé et guéri ce qui n'a même pas encore été reconnu. C'est une responsabilité qui semble particulièrement difficile à assumer dans ce coin-ci de l'Amérique, nous qui avons tendance à n'assumer ni notre francité ni notre américanité ni notre nordicité et encore moins notre héritage spirituel. Nous sommes ici pour nous incarner, à force de refuser de nous incarner nous disparaîtrons purement et simplement.
Bon... et dire que je voulais parler de mes livres préférés. Cela dit, je viens de lire L'identité malheureuse du philosophe français Alain Finkielkraut, moi qui ne lis jamais les philosophes. Ses propos rejoignent ce que je viens de dire sujet de la Mémoire Peut-être que j'y riendrai une autre fois.
Ce matin j'ai surpris mon père de 91 ans à la mémoire défaillante danser sur la chanson Le lumberjack chantée par Richard Desjardins et Paul Daraîche.
Dernière modification: 05 fév 2014

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