Le poète et le Créole

 Je ne savais pas que cette photo existait. Deux maîtres. J'avait déjà imaginé - on a le droit de rêver - Bechet jouant une chanson de Brassens, par exemple Les copains d'abord. On connaît l'amour que tonton Georges vouait au jazz, parfois il mentionnait que le jazz avait des origines françaises. La question des origines du jazz est complexe mais, oui, il y a des sources françaises dans cette musique qui a bouleversé le monde de la musique il y a 100 ans. 

Comme le chantait Josephine Baker, j'ai deux amours. En musique, s'entend. La chanson française poétique et la Louisiane, a fortiori la Louisiane créole. Brassens incarne parfaitement le poète chantant ; Bechet le musicien créole louisianais. Deux géants. Bechet est probablement, après Louis Armstrong, un des plus grands musiciens néo-orléanais qui a marqué le jazz. 

Il a vécu les dernières années de sa vie en France, durant les années 1950. C'est ainsi qu'il a croisé un jour l'auteur de L'Auvergnat. J'aurais bien aimé être là.

Il existe un album double, chez Vogue, de Bechet où celui-ci entre les chansons raconte sa vie... en français. Un français créolisé mais tout à fait compréhensible. Il a également enregistré deux chansons en français créolisé : Lastic et Madame Bécassine. Il y a vingt ans je croyais que seulement deux chansons en créole louisianais avaient été enregistrées par les jazzmans. Il y en a plus de vingt. Certains historiens (mais vraiment pas beaucoup) du jazz comme Alyn Shipton connaissent, au moins en partie, ce répertoire. Ce répertoire nous ramène au dix-neuvième siècle où fleurissait un répertoire de chansons créoles autant chez les esclaves créoles que chez les gens de couleur libres. Ce répertoire est également très méconnu.

La plupart du temps ce qui m'intéresse ce sont mes propres chansons. Phénomène presque énigmatique, de temps en temps cela arrive comme une vague puissante et je n'y peux rien, c'est comme si une voix me chuchotat à l'oreille : Benoît, c'est le temps de t'occuper de nous. Nous : les chansons créoles oubliées. Et alors j'oublie tout car je suis totalement à la merci de ce mouvement. Comme on le dit en créole louisianais : Mo konné pa kofé (je ne sais pas pourquoi).

J'ai enregistré il y a 14 ans plusieurs chansons créoles avec des musiciens absolument formidables. J'ai présenté ces chansons à des compagnies de disques, je ne sais plus combien, beaucoup en tout cas. Ça ne les intéressait pas. Ça n'était peut-être pas le moment. Le fruit n'était peut-être pas mûr. Mais maintenant...

J'ai décidé d'enrichir ce projet en y ajoutant d'autres chansons que j'avais gardées pour un éventuel deuxième disque. Mais voilà, elles seront toutes réunies sur un même disque. Il ne me reste que deux chansons à enregistrer. Ensuite... eh bien il y aura le disque et le site web qui offrira beaucoup de données sur cet univers à découvrir.

Le répertoire des chansons créoles (néo-orléanaises d'abord, les autres sont du sud-ouest de la Louisiane) fait partie à la fois de l'héritage afro-américain et de l'Amérique française. Un vrai trésor. 

Je vous tiendrai au courant, promis.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Dernière modification: 21 jan 2020