MARS 2015 - RETOUR EN STUDIO

 ... j'étais de retour en studio. Élise Boucher (voir son site elisechante.com) est venue faire des voix sur sept chansons. C'est la première fois que j'emploie une voix féminine sur autant de chansons. L'idée, inspirée des trois premiers disques de Leonard Cohen, m'est venue d'utiliser la voix féminine de façons irrégulières, j'aimais l'idée d'entendre la voix arriver et donner un coup de pinceau, ou un coup d'aile si l'on veut, et repartir pour réapparaître ailleurs, pas nécessairement au même endroit comme c'est habituellment le cas, surtout dans la chanson pop. J'étais enchanté du résultat. Élise a fait un très beau boulot. Bref, la séance s'est merveilleusement déroulée. Il reste bien sûr beaucoup de travail à faire encore mais ça avance très bien. Avec de petits moyens j'essaie d'apporter un peu de variété : un peu d'harmonica, de l'accordéon ici et là, de la cordophonie variée (guitare 12 cordes, mandoline, banjo, dulcimer...), une vielle à roue, du piano, etc. 

Je n'ai repris que tout récemment mes lectures sur la musique, la voix et la musicothérapie. Je suis en train de lire Musicophelia d'Oliver Sacks, je n'étais pas sûr de vouloir lire un livre qui traite de neurologie... or les cas cliniques que raconte Sacks sont tout bonnement fascinants, par exemple quand il parle de ce type, un médecin, qui après avoir été foudroyé dans une cabine téléphonique (eh oui !) se met à vouloir jouer du piano, à entendre de la musique dans sa tête ; ou encore de cette femme qui a des crises d'épilepsie chaque fois qu'elle entend des airs napolitains. Je ne m'attendais pas à découvrir des histoires (réelles) aussi extraordinaires. Il existe des gens, et qui ne sont pas forcément musiciens, qui entendent continuellement, ou souvent, des bouts de chansons ou des morceaux classiques dans leur tête. Oliver Sacks est l'auteur du roman qui a inspiré le film L'éveil (Awakening) avec Robin Williams et Robert De Niro. J'ai vu plusieurs fois ce film - il ne traite pas de musique cependant - qui m'émeut chaque fois.

Particulièrement apprécié le disque de Chloé Sainte-Marie, À la croisée des silences. C'est le genre de disque qui manque en ce monde, on y trouve un souffle rare, une émotion merveilleusement portée par la voix de Chloé, c'est par moment délicat, fragile. Très, très beau disque, que de la poésie, et des arrangements justes, dépoullés quand il le faut. Écouté aussi avec plaisir et intérêt Légende d'un peuple, Le collectif, d'Alexandre Belliard avec une magnifique brochette d'invités. Un petit faible pour la chanson Libertés surveillés, interprétée par Éric Goulet.

À la fin de la séance d'enregistrement hier je discutais avec Lindsay des difficultés d'être un musicien. Nous parlions des angoisses qui peuvent miner l'existence d'un musicien. Or en rentrant à la maison je suis tombé sur un article dans La Presse sur l'acteur Ethan Hawke qui a décidé de faire un film documentaire sur le pianiste Seymour Bernstein qui a quitté la vie de pianiste de concert à 50 ans ; il n'en pouvait plus des angoisses avant les concerts. Si je peux j'irai voir le film, Bernstein semble être un type plein de sagesse. En tout cas, j'y reviendrai très certainement, la question de l'angoisse dans la vie de l'artiste qui se produit sur scène m'interpelle très particulièrement. À 20 ans l'idée d'aller chanter seul sur scène mes propres chansons me terrorisait, je me demandais comment j'allais faire. Faire du rock en groupe n'était rien. Ça m'a découragé quand à l'âge de 42 ans mes angoisses se sont révélées plus grandes que jamais. Aujourd'hui je ressens un peu de nervosité, parfois presque rien. Cet aspect, monter sur scène, me semble (je l'espère en tout cas !!), maîtrisé. Par contre partir en tournée... ouf ! N'en parlons pas tout de suite, si vous voulez bien. Merci.

Parlant de documentaire, et ceci n'a rien à voir avec la musique, j'ai vu le film L'empreinte de Carole Poliquin et Yvan Dubuc qui traite de la profonde marque qu'a laissée dans l'âme collective la culture amérindienne. J'aimerais  que ce film soit diffusé partout au Québec tant il me paraît important. 

Mon plus grand défi depuis que j'ai enregistré les chansons créoles en 2006 est la rédaction du texte du livret qui accompagnera le disque. J'ai essayé plusieurs fois. Je ne comprenais pas ce qui n'allait pas. Je me suis rendu compte récemment que la meilleure façon de m'y mettre était de tout relire et re-relire afin de tout assimiler mentalement au lieu d'avoir à toujours vérifier un fait, une source, etc. Non seulement me suis-je rendu compte que j'avais oublié certaines données, je possédais un livre incontournable sur l'époque de Congo Square que j'avais négligé, accumulant la poussière sur ma tablette. Je l'ai dévoré. Sujet passionnant, il n'existe pas un ouvrage qui traite de la musique créole de La Nouvelle-Orléans ; il faut grapiller à droite, à gauche, ici, là, un peu partout, partir à la recherche de documents et de livres rares. J'ai commis la folie de commander le coffret de Jelly Roll Morton : 8 CD plus le livre que Alan Lomax a consacré au grand maître du jazz de La Nouvelle-Orléans. J'espérais y entendre le blues intiltulé La misère qu'interprète pour Lomax Ulysse Picou, le frère d'Alphone Picou le célèbre clarinettiste créole. Peine perdue... Par contre on y entend Johnny Saint-Cyr chanter seul à la guitare Eh là-bas. On découvre d'autres perles itou. Seán O'Connell, un Acadien que j'ai rencontré à Montréal et revu à Toronto lorsque je suis allé y chanter il y a 2 ans m'envoie à l'occasion des liens sur youtube de chasnsons créoles de La Nouvelle-Orléans. Nous parlons ici du dix-neuvième siècle. Ces chansons sont interprétées à la manière classique, le traitement est européen mais les morceaux sont la plupart du temps de vrais petits bijoux. Plusieurs de ces airs étaient également chantés en Haïti, en Guadeloupe, à la Martinique et même à Cuba. Par contre, on sait qu'avant l'arrivée massive d'immigrants durant la première moitié du dix-neuvième siècle il existait en Louisiane une culture afro-créole très solide, laquelle d'ailleurs a profondéent marqué la culture dans son ensemble. La Louisiane est l'état le plus africanisé des États-Unis et la culture afro-créole du dix-huitième siècle est la première responsable de ce fait. Il est plus difficile de retracer des chansons qui datent du dix-huitième siècle. Comme on y parlait aussi des langues africaines - la culture afro-créole provenait surtout de la Sénégambie - c'eut été passionnant et très éclairant, surtout en ce qui concerne les origines du jazz, de déterrer quelques trésors. 

 

 

 

 


Dernière modification: 05 avril 2015