01 mai 2015 | |
PLAGIAT, GATIEN LAPOINTE, THE WRECKING CREW... |
Ö surprise cette semaine ! Mon ami Marc m'a envoyé un lien : check ça. J'ai obtempéré, et qu'ai-je trouvé dans le merveilleux monde du Net ? Eh oui, quelqu'un avait plagié une chanson que Marc et moi avions composée ensemble. L'histoire de cette chanson vaut qu'elle soit racontée.
Serge Deyglun, comédien et dramaturge, écologiste avant que ça ne soit à la page, trippeux avant la lettre qui a fait ses expériences psychédéliques (avec Jacques Languirand, entre autres) bien avant que ça devienne une mode, avait enregistré un disque autour de 1960. Curieusement on ne l'associe pas à la vague des chansonniers, l'époque des fameuses boîtes à chansons (de1960 jusqu'à 1966-1967). Ses chansons étaient pourtant bien fignolées. Il savait aussi composer des chansons country qui avaient cette remarquable qualité : elles étaient écrites avec un tel humour qu'un public country pouvait les apprécier autant qu'un public "chic"- le premier degré et le deuxième degré cohabitaient joyeusement. Le groupe Les Sinners avaient repris - sans lui accorder la paternité de la dite chanson... ça s'est finalement réglé - sa Ballade du bûcheron. Le solo de guitare d'Arthur est resté imprimé dans ma mémoire.
Entre l'âge de 13 ans et 19 ans j'ai composé beaucoup de chansons en anglais, j'écoutais surtout de la musique anglo-américaine. Les deux seules chansons que j'ait faites en français étaient une chanson pour jeunes qui traitaient du problême de la pollution ; l'autre chanson était une chanson country. Le récit - je ne m'en étais pas rendu compte alors - s'inspirait de La ballade du bûcheron. Un jour, 20 ans plus tard, j'ai donné la chanson à Marc. Il en changea le refrain, l'enregistra au studio du cegep de Drummondville avec d'excellents musiciens. Chérie ma pitoune a connu un bon succès dans le milieu country francophone. On pouvait la prendre au premier comme au deuxième degré. Et comme La ballade du bûcheron... lisez la suite :
C'est un choc d'entendre quelqu'un reprendre presque tel quel le refrain d'une chanson en faisant croire qu'il en est l'auteur. C'est vraiment un bizarre de malaise qu'on ressent au début. On ne sait pas si on doit se sentir flatté ou piquer une colère. Chez plusieurs jeunes auteurs et compositeurs, quand ils s'inscrivent à la Socan, l'obsession est de voir leur chanson volée par un autre. Dans mon cas j'ai fini par oublier cette crainte. Je ne m'attendais pas cependant à entendre un jour une chanson dont je suis le co-auteur carrément plagiée. C'est très dérangeant. J'attends les prochains développements. Comme j'en sais pas plus pour l'instant, je ne peux pas en dire davantage. Tout ce que je sais est que quel que soit le montant d'argent que le voleur de refrain a pu obtenir avec "sa" chanson, il nous revient à Marc et moi.
J'étais de retour en studio il y a quelques jours. Je parlerai de la chanson Le pain, le pays et la paix la prochaine fois.
Le film The Wrecking Crew est aussi intéressant, instructif et savoureux que Twenty Feet From Stardom et Standing In The Shadows of Motown. Il y a cependant une petite différence il me semble entre l'univers des musiciens dont il est question dans The Wrecking Crew et celui des deux autres : certes nous avons encore affaire à des musiciens doués et créatifs qui ont joué un rôle clef dans la mise en forme finale de grandes chansons à succès des années 1960 et du début des années 1970, des musiciens qui ont su trouver l'accompagnememt juste, la "ligne de basse" accrocheuse, le fameux riff qui se répète, etc., des instrumentistes doublés d'arrangeurs naturels qui peu ou prou n'ont pas obtenu ce qu'ils méritaient comme reconnaissance, et tout ça, c'est bien vrai, mais il y a, disais-je, une petite différence... Ces musiciens faisaient de l'argent comme de l'eau, dans certains cas, ou peut-être même plusieurs, plus que les "vedettes" qu'ils accompagnaient. Une deuxième différence non négligeable, les musiciens Motown et les choristes étaient des Noirs. Ceux du Wrecking Crew, preque tous des Blancs.
C'étaient indéniablement des musiciens extraordinaires. L'indicatif de l'émission Mission Impossible, c'est eux, l'orchestre qui a suivi les directives de Brian Wilson sur Pet Sounds, encore eux, le fameux wall of sound de Phil Spector, toujours eux. Ils ont accompagné en studio Simon and Garfunkel, Frank Sinatra, The Mamas and The Papas, et j'en passe. Ils travaillaient pratiquement nuit et jour (ou du matin jusqu'au soir... très tard). Les musiciens qui partaient en tournée allaient en studio étudier comment ils jouaient les chansons qu'eux-mêmes, pauvres musiciens d'un simple band pop ou rock, devaient ensuite présenter en concert. Dans le fond ce Wrecking Crew, polyvalent, virtuose et très ouvert aux courants rock et pop de cette époque, avait la partie belle et surtout ne cédait pas sa place. Et c'est ici qu'on découvre l'envers de la médaille. Ces musiciens chevronnés et doués ne vivaient que pour leur musique, et puisqu'ils évoluaient dans un univers très compétitif - la fabrique de "hits" s'était déplacée de New York à Los Angeles, ils en étaient les rois -, répondaient présent ! à chaque offre, même si ça n'était que pour réaliser en une seule journée un disque de chansons pop hyper simples à exécuter. Résultat : pas de vie de famille, la lettre d'avocat qu'on n'a pas venu venir annonçant le divorce, les enfants qui plus tard dans la vie s'éloignent d'un parent qui a été trop absent... Ils étaient des vedettes à huis clos en quelque sorte, ont joué le jeu à fond et en ont payé le prix. Étrange, triste et ô combien paradoxal est le monde de la musique dite populaire (non pas dans son sens premier : du peuple, mais son sens de succès auprès d'une large part de la population), cousin en cela du monde du cinéma hollywoodien où très souvent ceux et celles qui nous font rêver vivent eux-mêmes un cauchemar - à moins d'avoir un sens très développé de la "vraie réalité" et une vie équilibrée.
Je poursuis ma lecture de Musicophilia d'Oliver Sacks. Il semble que ce soit plus fréquent qu'on ne l'imagine, je parle de tous ces gens qui entendent de la musique dans leur tête. Parlant de musique dans la tête, un phénomène que j'ai remarqué il y a près de vingt ans, en général quand je pense à une chanson que j'ai aimée durant mon adolescence je suis étonné, lorsque je la réentends, de constater que son tempo est plus rapide que je ne l'imaginais. Une de mes chansons préférées des anéées 1960 est Walk Away, Renée du groupe britannique The Left Banke (clin doeil à la rive gauche). Lorsque je vais sur youtube la réentendre je la trouve trop rapide. Très curieusement, Ann Savoy et Linda Ronstadt l'ont enregistrée sur leur disque Adieu False Heart (un de mes disques favoris des dernières années) à un tempo qui est très près de ce que j'entends dans ma tête. Leur interprétation plus lente donne une profondeur à la chanson, et les arrangements sont sublimes. Et c'est pur délice que d'entendre la voix de Linda Ronstadt ajouter une harmonie à celle d'Ann Savoy qui chante certaines chansons en français. Malheureusemen Ronstadt aujourd'hui est atteinte de Parkinson.
J'ai retrouvé il y a une semaine un texte de Gatien Lapointe que j'avais mis en forme et monté à partir de son magnifique Ode au Saint-Laurent. J'ai déjà mis en musique deux textes de Lapointe sur mon CD L'homme à l'arbre, j'en ai enregistré un autre pour mon prochain disque, Élise Boucher y prête sa très belle voix. J'en avais un autre en attente. Et voici ce texte que j'avais mis en forme le 31 décembre 2012, je m'en souviens, j'étais à Saint-Adolphe d'Howard. Gatien Lapointe est le poète des commencements, de l'être humain qui naît, se met au monde, il est celui qui nomme la vie qui éclot, éclate, chante, monte comme la sève, s'affirme face à la mort, va vers la lumière. Son recueil n'a que 90 pages et pourtant je suis sûr de pouvoir extraire encore quelques autres chansons de son oeuvre.
J'ai donc retrouvé ce texte que j'ai nommé Pollen et cendres. Je l'ai légèrement retouché et, comme cela est arrivé pour ses autres textes, la musique est venue très rapidement, ce qui m'étonne chaque fois. Je l'ai ajoutée à ma nouvelle liste de chansons en vue d'un autre disque, je veux dire après que j'aie terminé celui que j'ai commencé avec Lindsay.
Mettre en forme et en musique la poésie de Gatien Lapointe exige un travail particulier car il ne s'agit pas de mettre en musique un poème, avec Lapointe nous avons affaire à de longs poèmes s'étirant sur plusieurs pages, chaque vers exprimant un acte de mise au monde ; il n'y a pas une histoire avec un début et une fin, plutôt une longue célébration d'un monde et d'un homme qui naissent. Ça rappelle un peu les poèmes de Walt Whitman.
La seule façon pour moi d'aborder sa poésie est de retenir les vers qui d'abord bien sûr me touchent, me parlent :
et le crépuscule m'ouvre ses bras en fleurs
Un thème s'impose naturellement. Dans ce cas-ci ce thème est résumé par ce vers :
je mène à leurs noces tous les désirs
Je garde ça à l'esprit et cherche d'autres vers où l'image s'accorde avec cette idée. Si j'en trouve une quarantaine, j'émonde jusqu'à ce qu'il m'en reste une vingtaine : l'équivalent de cinq quatrains/couplets. Bien sûr je tiens compte de la mise en bouche et ai tendance à conserver les vers où il y a de belles allitérations, par exemple : au flanc qui frissonne (qui répond à souffle et fleurs dans les deux vers précédents). Alors je tente d'agencer les vers de façon à ce qu'il y ait une certaine cohérence, dans ce cas-ci il y a une logique temporelle :
et le crépuscule m'ouvre ses bras en fleurs et l'aile du soir souffle en nous toute lumière j'unis la bouche au flanc qui frissonne et la nuit brûle toutes les étoiles de l'année
Le troisième vers qui commence par j'unis la bouche répond au troisième vers du quatrain précédent qui commence par j'unis l'arbre. Étant donné que nous travaillons ici avec une poésie sans rime et au nombre de syllabes irrégulier, je cherche où je peux inclure une répétition : mon but est de rendre la poésie de Lapointe accessible dans une chanson qu'on pourra, je l'espère, retenir. Ainsi se trouve la lettre n dans les premières syllabes de chaque troisième vers. C'est également, pour celui qui chante, une astuce mnémotechnique. Et puisque le vers je mène à leurs noces tous les désirs résume bien l'esprit du texte chanté, je le répète deux fois à la fin des deuxième et quatrième quatrain.
Habituellement lorsqu'on met en musique un poème on le garde tel quel, puis si on sent que c'est nécessaire on répète un vers qui appuie une idée. Ferré l'a fait avec Aragon :
Est-ce ainsi que les hommes vivent Et leurs baisers au loin les suivent
Brassens quant à lui n'a pas retenu la dernière partie du poème d'Aragon Il n'y a pas d'amour heureux, c'est-à-dire les cinq derniers vers où il est question de l'amour de la patrie. Brassens, fidèle à sa pensée anarchiste ne pouvait assumer un sentiment nationaliste. Jean Ferrat s'est également amusé à déplacer des vers ou à en enlever pour que ça se chante mieux. Aragon ne s'en formalisait pas, pa contre il n'aimait pas que Ferrat allonge la mesure du vers avec ses c'est si peu dire que je t'ai-ai-ai-ai-aime. Gilles Bélanger a parfois utilisé aussi la répétition lorsqu'il a mis en musique L'homme rapaillé de Gaston Miron.
Dernière modification: 01 mai 2015

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